Interchangeabilité ?

Publication sur la Conception intégrée et l’interchangeabilité AF, AMDEC, QFD

 

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Résumé

Aujourd’hui, il existe une multitude d’outils et de méthodes d’aide à la conception. En revanche, les liens permettant de passer d’une méthode à une autre sont mal définis et le concepteur ne dispose pas à l’heure actuelle d’une vision globale de la disposition de ces méthodes dans la chronologie du développement. Un travail de mise en évidence des relations entre les méthodes permettrait donc d’améliorer le processus de conception et l’interchangeabilité éventuelle des méthodologies.
Le but de cet article est double : d’un côté, prouver que l’avantage de l’emploi de méthodes augmente quand nous pouvons établir des liens entre elles, et d’un autre côté, montrer quelques-uns uns de ces possibles liens entre méthodes.

 

1. Introduction à l’interchangeabilité AF, AMDEC, QFD

Le besoin de compétitivité impose aujourd’hui plus que jamais de concevoir plus rapidement, mieux et moins cher que les concurrents pour pénétrer un marché de plus en plus dense et complexe. Une des réponses à cette nécessité est l’utilisation de nouveaux outils récemment développés ou en cours de développement destinés à supporter le processus de création d’un produit.

La richesse et l’efficacité des recherches en productique ont permis de mettre au point un grand nombre d’outils utiles au concepteur pour appréhender les différentes phases de son projet. La question n’est donc plus maintenant de savoir si les outils existent mais concerne plutôt la bonne utilisation de ceux-ci. Dans ce cadre, d’autres interrogations apparaissent : les outils de conception s’inscrivent-ils dans des îlots isolés ou au contraire existe-t-il des liens logiques permettant de les enchaîner ? Cet enchaînement, s’il s’avère possible, peut-il être généralisé et optimisé en gardant une cohérence d’ensemble du processus de conception ?

L’intérêt de ce papier n’est pas de montrer que dans le cadre d’une conception intégrée beaucoup d’outils indépendants et autonomes peuvent être utilisés mais au contraire de prouver qu’une interconnexion entre ces outils peut être trouvée dès les premières phases de la création du produit permettant ainsi de réduire les temps de conception. Nous cherchons également à démontrer l’utilité de cette recherche de continuité pour éviter des répétitions de tâches coûteuses en temps provoquées par une dissociation complète des outils et des résultats que ceux-ci sont susceptibles de fournir. L’intérêt de ce travail est clair, il réside dans le développement d’une plate-forme multi-outils dont le but est la minimisation des temps de conception par une exploitation plus judicieuse des données provenant des outils à la disposition des concepteurs.

 

2. Le projet PIRAMID

Le travail, ici présenté, fait partie d’un projet intitulé PIRAMID (Platform for Information Re-use Among Methodological tools In the product Development), qui a été lancé dans le cadre d’un programme européen Eurêka soutenu en France par le Ministère de l’Industrie.

Comme nous pouvons lire en Djeapragache [4] ce projet a comme objectif d’offrir une meilleure organisation du processus de conception par la réalisation d’une plate-forme devant servir de base commune à tout projet en période de gestation. La multiplicité des outils développés au cours de ces dernières années et de leurs objectifs distants rendent le travail du concepteur difficile pour sélectionner les supports méthodologiques nécessaires à l’optimisation de son projet sur le plan organisationnel comme sur le plan du produit qu’il développe.

Notre travail est une contribution à ce projet car l’intégration proposée resterait incomplète, sans l’interoperativité (l’interchangeabilité)des différents outils. Parmi la multitude d’outils disponibles sur le marché actuel, nous avons voulu centrer notre intérêt sur ceux pouvant s’intégrer dans une représentation du processus de conception comme un macro processus autorisant un enchaînement logique entre l’identification des fonctions de l’objet de la conception (Méthode AF), la recherche de solutions techniques permettant de les satisfaire (Méthode du QFD) et la mise en évidence des risques sous-jacents (Méthode AMDEC). Vous pourrez trouver une justification du choix de ces trois méthodes dans Martin [6]

La sélection, dans un premier temps, de ces trois méthodes est important pour la réalisation d’un cahier de charges fonctionnel produit, parce que, les personnes concernées sont celles impliquées dans les démarches qualité telles que l’Analyse de la Valeur, le QFD, l’ANAQ (Analyse de Qualité) et l’AMDEC.

Nous proposons dans ce papier une description de chacune des méthodes énoncées précédemment, ainsi que quelque uns des possibles liens entre ces méthodes.

 

3. Présentation des méthodes : AF, QFD, AMDEC

Comme nous venons de dire, les méthodes de conception que nous allons commenter et celles considérées comme représentatives dans un premier temps dans le projet PIRAMID sont : l’Analyse Fonctionnelle, le QFD, et l’AMDEC. Cette liste n’est pas exhaustive et l’on pourrait également s’attacher à la description d’autres méthodes également largement utilisées comme l’analyse de la valeur, la conception à coût objectif ou les approches qualité TQM, TQC. Mais le but visé n’est pas ici l’exhaustivité mais le principe d’action que nous cherchons à mettre en évidence.

3.1 L’Analyse Fonctionnelle

L’analyse fonctionnelle, d’après la Norme AFNOR X50-150, est une démarche qui consiste à recenser, caractériser, ordonner, hiérarchiser et valoriser les fonctions.

L’Analyse Fonctionnelle est une démarche qui s’inscrit parfaitement dans une stratégie de Qualité Totale, parce qu’elle implique tous les secteurs de l ‘entreprise, qu’ils soient fonctionnels ou opérationnels, et parce qu’elle se propose d’expliciter la satisfaction du besoin des clients, en nous permettant, dans un premier temps d’identifier précisément en termes de fonctions, les besoins à satisfaire ou de services à rendre (analyse fonctionnelle du besoin), et dans un deuxième temps d’analyser de quelle manière une solution répond à ces besoins (analyse fonctionnelle technique).

Néanmoins, il ne faut pas oublier que connaître les besoins de nos clients et la façon dont nos produits y répondent ne suffisent cependant pas à améliorer le niveau de performances de nos produits ni à augmenter le niveau de satisfaction. L’analyse fonctionnelle ne constitue donc pas une fin en soi.

Dans une action de Qualité Totale, l’analyse fonctionnelle du besoin agit principalement sur la relation client-fournisseur en définissant les besoins et les exigences à satisfaire.

Néanmoins, le champ d’application de l’analyse Fonctionnelle est très vaste. Elle s’applique aussi bien à : des produits industriels, des processus industriels, des processus immatériels (services), des processus d’organisation, procédures, administratives, des produits existants ou des produits nouveaux, etc.

Cette méthode permet de parvenir à une optimisation du produit permettant de satisfaire au mieux les contraintes d’utilisation. La méthode considère le système d’un point de vue de sa finalité et prend en compte tous les facteurs concernant le système et son environnement.

Les principes de la méthode, comme nous pouvons lire en Cloarec [2] et Puttaert [7] sont la matérialisation du produit et la mise en évidence de ses composants fonctionnels.

Son application se déroule en plusieurs étapes :

  • expression et description du besoin
  • définition des fonctions attendues, c’est-à-dire :
  • recensement des éléments du milieu d’utilisation (MU)
  • identification des relations crée par le produit, entre plusieurs MU ou bien, entre certains MU
  • expression de la finalité de ces relations par une phase contenant : le ou les MU concernés par la relation, ou bien, par un verbe caractérisant l’action
  • Etablissement des blocs-diagrammes fonctionnels.

L’expression du besoin se traduit dans le vocabulaire du produit par la notion de fonction. Trois types de fonctions sont utilisés par la méthode : les fonctions principales, les fonctions contraintes, les fonctions de conception.
La phase de caractérisation du besoin et du contexte d’utilisation du produit est primordiale puisqu’elle conditionne la mise en place de ses fonctions. L’analyse fonctionnelle sera ensuite d’autant plus simple que le besoin identifié aura été clairement exprimé. Le choix de l’architecture finale sera déduit par optimisation du degré de satisfaction global de l’ensemble des fonctions du produit.

Pour finir la brève description de la méthode, nous voulons souligner la différence entre l’analyse fonctionnelle du besoin et l’analyse fonctionnelle technique. La première explicite les relations entre le produit et son environnement, alors que la deuxième se propose d’étudier les relations internes des composants produit et leurs relations avec les éléments du milieu extérieur.

3.2 La méthode QFD (Quality Function Deployment)
La méthode QFD (Quality Function Deployment) permet de cibler les justes paramètres nécessaires pour satisfaire le client, travailler sur la qualité perçue et découvrir tôt dans le cycle de déroulement du projet les points sensibles pour lesquels des mesures préventives pourront et vraisemblablement devront être prises.

D’après les travaux de Bocquet [1] et Chuen [3], cette méthode permet de répondre à trois questions :

quelles sont les attentes clients à considérer en priorité pour assurer la réussite commerciale du produit ?
quelles sont les réponses techniques à privilégier ?
quelles sont les difficultés potentielles du cycle de développement de produit ? .
La réponse à ces questions est apportée par une équipe projet formée de personnes complémentaires réunies autour de la problématique à solutionner.

Comme son nom l’indique la méthode s’appuie sur un déploiement de matrices. Le QFD sera mené surtout en phase amont d’un nouveau projet, à un stade où le large éventail de choix est encore possible. La démarche consiste à traduire la voix du client dans le langage des ingénieurs de développement. Les principaux éléments à prendre en compte dans ce cadre sont alors : les critères de valeur du produit, les enquêtes marketing, les matrices relationnelles et la sélection des paramètres critiques.

Le QFD est aussi un principe qui place la satisfaction du client comme un objectif premier de l’entreprise, mais aussi une démarche qui associe tous les services de l’entreprise, en mettant en place une méthodologie permettant de traduire fidèlement et de façon concertée, les attentes du client en spécifications techniques et en actions sur toutes les phases du profil de vie d’un produit, de sa conception au soutien après la vente.

Parce qu’il contribue à la satisfaction des clients en partant de leurs attentes, et qu’il associe tous les services de l’entreprise, le QFD s’inscrit pleinement dans une démarche globale de réduction des coûts et délais propres à une action Qualité Totale.

Quant aux principes de mise en œuvre du QFD, nous dirons qu’il consiste à élaborer puis à déployer dans toute l’entreprise des matrices QUOI-COMMENT qui permettent à la fois : de définir les spécifications d’un produit (les COMMENT) à partir des attentes de ses clients (les QUOI), de comparer le produit avec ses produits concurrents et, enfin, de faire apparaître nécessairement par la constitution de groupes de travail réunissant des experts des différents métiers de l’entreprise, et par l’implication volontaire de tous les secteurs de l’entreprise.

3.3 L’AMDEC (FMEA)

L’AMDEC utilise les caractéristiques d’un produit permettant d’instaurer un dialogue entre plusieurs entités de l’entreprise comme le bureau d’études, les services de design, les personnels chargés de la réalisation, de l’industrialisation, de la commercialisation, de la maintenance, du service après-vente,… en prenant en compte plus précisément le triptyque produit procédé processus. De nombreux auteurs ont écrit sur cette méthode et nous soulignons les travaux de Cloarec [2] qui nous montre que l’analyse des modes de défaillance de leurs effets et de leur criticité (AMDEC) doit donc permettre au groupe d’anticiper d’éventuels aléas. Cette réflexion conduira naturellement aux solutions techniques ou organisationnelles destinées à faire disparaître ou tolérer les modes de dysfonctionnement potentiels.

L’AMDEC constitue donc un système extrêmement puissant d’aide à la conception des systèmes. L’AMDEC permet de déterminer les points faibles d’un système et d’y apporter des remèdes, de préciser les moyens de se prémunir contre certaines défaillances, de faire dialoguer les personnes concernées par un projet, mieux connaître le système, et principalement d’étudier les conséquences de défaillance vis-à-vis des composantes majeures de la sûreté de fonctionnement : fiabilité, disponibilité, sécurité, maintenabilité,…

Les AMDEC doivent être remises à jour périodiquement. Leur contrôle systématique doit avoir pour buts :

de s’assurer qu’elles ont été rédigées dans un esprit participatif et non pas pour satisfaire les visées d’un petit groupe de personnes
de garantir que les informations transitent entre les différents niveaux
d’analyser les raisons pour lesquelles une action qui a été recommandée n’est pas prise en compte

 

4. Interoperativité de ces trois méthodes : relations AF – QFD – AMDEC

Les trois méthodes que nous venons de présenter ne sont utiles que si elles sont intégrées, et au besoin adapté, à des démarches plus globales, préventives ou curatives, de conception ou d’analyse des problèmes de qualité.

Ces trois points de vue, nous mènent sur trois méthodes de conception que l’on pourrait appeler complémentaires, parce que si bien les objectifs sont très différents, nous pouvons les appliquer avec un intérêt commun, qui est celui d’améliorer la conception en diminuant délais entre l’idée d’un produit et sa réalisation physique.

4.1 Relation Analyse Fonctionnelle / QFD

Les attentes objectives et subjectives des clients (les QUOI), point de départ du QFD, sont documentées par des enquêtes menées auprès de la clientèle. Les parties qualitatives des critères de valeur extraites du cahier des charges fonctionnel peuvent éventuellement venir compléter la liste de ces attentes.

L’analyse fonctionnelle technique quant à elle peut être utilisée pour structurer et organiser le découpage du produit en un ensemble de fonctions non caractérisées (les COMMENT).

AF – QFD
L’analyse fonctionnelle apporte la liste de besoins client qui compose la première matrice de la première phase du déploiement du QFD. Dans cette phase, le QFD montre la relation entre les besoins attendus par le client et les différentes solutions techniques que l’entreprise est susceptible de mettre en place pour la satisfaction du besoin. L’idée serait d’établir un lien de façon à pendre dans les QUOI (représentation des besoins clients) le résultat d’une Analyse Fonctionnelle besoin, et de profiter de l’Analyse Fonctionnelle technique, pour le choix des solutions techniques élémentaires qui font partie de la matrice des COMMENT.

QFD – AF
En principe ce n’est pas très logique de faire un QFD sans avoir effectué déjà une analyse fonctionnelle pour définir les besoins client, surtout quand il s’agit de la conception d’un nouveau produit.

Néanmoins, la relation dans cette direction peut avoir un peu plus de sens, dans le cas de l’étude de la reconception d’un produit déjà existant.

Dans ce cas, nous allons étudier les fonctionnalités des produits concurrents, et peut être, nous allons découvrir des fonctions existantes dans ces produits, et qui ne sont pas satisfaites par le nôtre, et on pourrait étudier la possibilité de les rajouter.

4.2 Relation Analyse Fonctionnelle / AMDEC

AF – AMDEC
L’AMDEC est utilisé en phase de conception pour vérifier un système nouveau ou modifié, dont on connaît mal le comportement. L’analyse vise à recenser les défaillances d’un système dans un double but : améliorer la conception et valider une solution technique par rapport à un cahier des charges.

Pratiquement l’AMDEC se réalise dans les phases d’utilisation ou de fonctionnement du système ; Alors, il est nécessaire de bien connaître les fonctions du système, pour en analyser ensuite les risques de dysfonctionnement.

L’Analyse Fonctionnelle du besoin et l’Analyse fonctionnelle Technique constituent un préalable indispensable à l’AMDEC.

AMDEC – AF
L’expression des besoins clients est traduite en paramètres exploitables par le concepteur : c’est le Cahier de charges Fonctionnel Produit (CdCF Produit) contenant les fonctions de service et les critères de valeur associés. Cette transformation des données d’entrée est réalisée à l’aide de l’Analyse Fonctionnelle du besoin, qui garantit l’adéquation entre le cahier des Charges Fonctionnel Produit et les attentes client.

L’analyse Fonctionnelle du besoin intègre les  » contraintes industrielles générales  » ;

A partir de CdCF Produit, le concepteur établit une ou plusieurs solutions techniques. La vérification de l’adéquation de la ou de solution (s) technique(s) au CdCF Produit, est réalisé à l’aide de l’AMDEC Produit Projet, qui nécessite au préalable une Analyse Fonctionnelle technique du produit.

4.3 Relation QFD / AMDEC

La relation entre le QFD et l’AMDEC passe par la relation existante entre chacune de ces méthodes et l’analyse fonctionnelle, comme nous l’avons montré précédemment .

 

5. Conclusion sur l’interchangeabilité des méthodes de conception

Nous pouvons affirmer qu’aujourd’hui, aucune méthode n’est réellement complète pour couvrir les différentes phases, depuis l’analyse des besoins jusqu’à la fabrication du produit . C’est pour cette raison que, l’idée d’une approche intégrée, associée à la mise en place de procédures adaptées de conception et d’industrialisation de produits pour profiter des savoir-faire de l’entreprise, est l’élément innovateur du projet PIRAMID.

Nous avons montré l’importance des relations entre les différentes méthodes pour aboutir à une solution plus complète. La suite de nos travaux élargira ces relations.

parution 1999

 

Bibliographie

[1] BOCQUET J.-C., DUFFAU B..- La gestion du changement : de la gestion de production à la gestion de conception. L’art du management. 1997, pp. 626-631, V. Mondiale

 

 

[2] CLOAREC J.-C..- Analyse fonctionnelle ou la préparation de l’AMDEC. Maintenance & Entreprise, 1993. Vol.466, pp. 20-22[3] CHUEN-LUNG C., STANLEY F. BULLINGTON.- Development of a strategic plan for an academic department through the use of QFD Computers & industrial engineering, 1993. 25, 1-4, pp.49-52[4] DJEAPRAGACHE, AUMONT V., LAVILLE A., BEAUJON T..- Une plate-forme destinée à concevoir pour bien fabriquer et capitaliser le savoir-faire. Consortium PIRAMID. MICAD-1998[5] LEFEBVRE D.- Expérience industrielle dans l’association du QFD, de l’analyse fonctionnelle et de l’analyse de la valeur. La valeur, 1997, Vol. 73,[6] MARTIN C.- Conception Intégrée ; Interopérativité des méthodes : AF, QFD, AMDEC dans le cadre u Projet PIRAMID. Congrès PRIMECA La Plagne (5-7 avril 1999)[7] PUTTAERT A..- L’analyse de la valeur, méthode clé de reconception des produits et des processus administratifs dans le domaine des services. Cahiers de la documentation, 1994, 2 pp. 39-42

 

 

Séminaire du collège d’études et de recherche de conception de produits : Confère 99.

Logiciels méthodologiques en conception

Réutiliser et capitaliser le savoir-faire

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