2001
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Mots-clé :
développement durable, management par la valeur, processus de décision, collectivités locales, agenda 21, systémique, environnement
Effet de mode, attitude « politiquement correcte » ou nécessité ?
Il n’y a plus d’ouvrage ou conférence traitant de développement économique et social, d’étude prospective qui ne réfère pas au « développement durable ».
Mais au-delà des discours politiques qu’en est-il ?
Il est devenu quasiment impossible de s’opposer à un tel concept pour tout entreprise ou acteur public car cela paraîtrait un refus d’objectifs de développement social, de respect de l’environnement et donc d’une éthique.
Il sera de moins en moins envisageable (et admis) de prendre des décisions sans en projeter les impacts à moyen/long terme
De nombreuses entreprises en France sont déjà engagées dans une modification de leur stratégie en ce sens : Lafarge, Monoprix, Danone, GTM Construction, Legrand,…
La tendance des investisseurs à intégrer dans leurs critères de choix le développent
durable s’accentue depuis une dizaine d’années.
La question ne semble plus être « faut-il intégrer ce concept » mais « comment le faire ».
1• Qu’est-ce que le développement durable ?
Quels sont ses fondements au niveau mondial?
Début des années 70
Sous l’égide du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), apparaît un nouvelle approche : l’écodéveloppement.
1983
L’Assemblée Générale des Nations Unies mandate une Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement, présidée par Mme BRUNDTLAND, Ministre de l’Environnement de Norvège.
1987
Le Rapport BRUNDTLAND impose le concept de développement durable (« sustainable development »), exprimant une prise de conscience des capacités limitées de la planète à subvenir aux besoins si les modes de développement ne se modifient pas.
Le développement durable est alors défini comme :
Juin 92
Le Sommet de la Terre sur l’environnement et le développement, à RIO, se conclut par la signature de différents textes et conventions entérinant :
- des principes généraux au sein de la Convention de Rio : pollueur-payeur, principe de précaution,
- l’Agenda 21 pour des propositions pour le 21ème siècle,
- la convention sur l a diversité
1997
Des engagements chiffrés sont pris par les pays pour la réduction des émissions de gaz à effets de serre. Mais aucune modalité pratique n’est définie pour mettre en oeuvre ces engagements….
Le développement durable ne doit pas être réduit à la notion de protection d’environnement, bien qu’il ait été porté pendant de nombreuses années par cet aspect, et que le volet environnemental ait été prioritairement développé au sein de réglementations ou incitations s’imposant aux industriels.
Au delà des débats sur les définitions du développement durable, la reconnaissance de cet enjeu impose la mise en place de processus de décision recherchant un « triple dividende », intégrant sur le court et le long terme le progrès tant économique, que social et environnemental.
Si économie et social (domaine « équitable » sont souvent associés, il s’avère beaucoup plus difficile d’allier économie et environnement (domaine du viable), et social et environnement (domaine du vivable).
Les principes du développement durable :
2• Des enjeux à une échelle mondiale se traduisant à une échelle locale
Bien que du domaine de l’évidence, il est bon de souligner que, même si le DD se fonde sur des constats très globaux et la préservation d’équilibres à long terme, les solutions ne peuvent qu’être locales.
Différents outils sont actuellement proposés pour aider à sa mise en oeuvre à l’échelon local :le principal est l’Agenda 21 local, qui a pour but de préciser les objectifs de développement que se fixent les acteurs locaux et citoyens dans des chartes formelles. L’Agenda 21, issu de la déclaration de Rio, est un recueil de recommandations d’actions pour le 21ème siècle.
La Charte d’Aalborg (Charte des villes européennes sur la durabilité) adoptée le 27 Mai 1994 constitue un texte de référence pour les viles européennes en terme d’établissement de politiques globales et de réalisation des Agendas 21 locaux.
La loi sur l’Aménagement et le Développement Durable du territoire, votée en France le 25 Juin 1999 fournit une assise réglementaire et législative au développement durable.
Ainsi, dans les contrats de plan, les projets d’agglomération seront selon l’article 26 de cette loi « un projet qui détermine les orientations que se fixe l’agglomération en matière de développement économique et d cohésion sociale, d’aménagement et d’urbanisme, de transport et de logement, de politique de la ville, de politique d’environnement et de gestion des ressources selon les recommandations inscrites dans les agendas 21 locaux du programme « Actions 21 » qui sont la traduction locale des engagements internationaux finalisés lors du sommet de Rio de Janeiro des 1er et 15 Juin 1992. »
Mais aussi les chartes de pays, selon l’article 25 de la loi, seront « le projet commun de développement durable du territoire selon les recommandation inscrites dans le agendas 21 locaux du programme « Actions 21 »… »
Projets d’agglomération et chartes de pays devant constituer des fondements pour les contrats d’agglomération et aux contrats de pays qui pourront se conclure avec l’Etat et les Régions.
Une des caractéristiques du DD est la nécessité d’intégrer dans la réflexion plusieurs échelles de temps (horizons) mais aussi plusieurs échelles territoriales.
L’approche intégrée des transports en est une illustration significative.
La France a joué un rôle moteur en ce sens, à travers les actions menées par la Direction des Routes pour harmoniser des politiques durables de transport au niveau international, mais aussi mettre en place de nouvelles pratiques et qualifications. On citera ici le rapport sur « le Processus de décision pour un transport durable tenant compte du développement économique et social, de l’environnement et de l’aménagement du territoire », rédigé par M. Poutchy-Tixier sous présidence de M. Christian LEYRIT . Ce rapport, approuvé par 111 pays lors du 21ème Congrès Mondial de la Route en octobre 99, analyse les processus de décision dans différents payas sous quatre aspects :
– l’intégration du principe de DD aux politiques de transport
– les critères dans les processus de décision en vue d’un transport durable
– la consultation directe des citoyens
– les propositions pour éclairer les décisions politiques.
3• Les problématiques auxquelles doivent faire face les Collectivités Locales sont-elles compatibles avec une vision plus prospective de leur ville ?
Les responsabilités des élus se sont profondément accrues depuis quelques années, et il devient pour eux de plus en plus difficile de prendre du recul par rapport aux situations immédiates.
– leurs ambitions sont en permanence confrontées à des contradictions financières , où les dépenses augmentent plus rapidement que les recettes,
– ils sont au coeur des problèmes de développement et d’environnement,
– les nouvelles lois (intercommunalité) et la prise en compte de l’ouverture européenne modifient et complexifient les champs d’actions et les domaines de responsabilités.
Pourtant, les nouvelles donnes imposent une conception innovante des projets de villes.
Comment mettre en cohérence un développement viable, équitable et vivable avec le développement indispensable et faisable?
La perspective du DD et la recherche du « triple dividende » requiert un profond changement dans les objectifs, mais aussi dans l’exercice des responsabilités et du pouvoir, et dans la participation des administrés aux orientations.
L’élu ne sera plus simplement jugé sur sa capacité à gérer un court terme un budget mais aussi sur son action à moyen/long terme et sa capacité à intégrer sa stratégie propre dans un champ plus large que son propre mandat.
Mais ce changement ne peut être décrété ex nihilo : il ne peut que reposer sur une volonté forte des élus eux-mêmes, et de nouveaux modes de management.
La prise en considération des conséquences à moyen/long termes renvoie au choix de valeurs de sociétés qui ne peuvent, à notre sens , se décider que dans le cadre d’orientations politiques affichées et de processus consensuels relevant d’une approche systémique.
Développer une politique intégrée nécessite encore un accroissement de champ d’actions pour les élus – multipliant le nombre de critères décisionnels, intégrant une forte dimension temporelle dans les choix, et nécessitant d’accepter et gérer les incertitudes.
Seule l’action des élus peut assurer l’implication nécessaire de l’ensemble des services de la ville dans cette approche.
4• Qu’en est-il aujourd’hui au sein des Collectivités ?
Sur la base des différentes rencontres et analyses que nous avons pu faire, depuis environ 8 mois, tant avec des représentants de Collectivités (engagées dans des Agendas
21 en particulier), qu’avec les associations représentatives (APDD, Comité 21,…), les
approches actuelles nous apparaissent souvent réductrices :
– elles mettent en avant l’objectif « développement durable », soit comme un des critères d’évaluation des projets, soit comme un axe d’actions en tant que tel.
– elles s’articulent trop fortement autour du thème de préservation de l’environnement,
n’intégrant pratiquement pas l’aspect économique
– elles se concrétisent par des actions très sectorielles et peu transversales.
Cette situation entraîne :
– une grande difficulté, ressentis par les acteurs porteurs de cette vision au sein de la collectivité, pour argumenter les actions envisagés, car elles ne découlent pas d’orientations plus globales affichées,
– une quasi-absence de hiérarchisation tant des objectifs stratégiques que des actions opérationnelles en découlant.
– un manque d’implication effective des élus dans l’initialisation, la conduite et la réalisation de telles démarches (même si souvent le discours politique intégré ces aspects)
– souvent un manque de réelles démarches de management de projet, avec : des plans d’actions, des responsables, des résultats attendus
des jalons de validation et décision d’arrêt, réorientation ou poursuite, des processus intégrés de suivi et ajustement des objectifs.
4• Pourquoi rechercher un couplage méthodologique Management par la Valeur et DD ?
Un meilleur éclairage des décisions des élus nécessite des évolutions d’approches et de structures et de comportement. Ces évolutions passent par des principes intégrant la responsabilisation, la « subsidiarité active », le décloisonnement et l’innovation.
L’inscription du DD dans une politique de ville induit le développement d’une approche « en transversalité » permettant de réunir autour des objectifs de la collectivité tous les acteurs de manière coordonnée, de traduire en actions les volontés politiques des élus, en mesurer les effets économiques, environnementaux et sociaux.
Les processus d’élaboration des décisions au sein des Collectivités sont à reconstruire.
C’est dans ce contexte que les apports du Management par la Valeur seront certainement les plus significatifs, sur les domaines de l’aide à la décision, de l’accompagnement du changement, et de la gestion de la participation.
Les modes d’élaboration des projets et des décisions ne peuvent plus être linéaires et sectoriels, quand on place la réflexion à différentes échelles temporelles et territoriales.
L’appréhension de la complexité requiert une démarche profondément systémique, et donc:
– des constructions de scénarios, des simulations, des séquences décisionnelles.
– des processus itératifs (c’est-à-dire par approximations successives, car les données sont incertaines)
– un pilotage transdisciplinaire qui ne se réduise pas à la juxtaposition des approches et des compétences (pluridisciplinarité »),
(il est à noter que le développement de compétences transdisciplinaires est jugé stratégique par la Commission Européenne pour l mise en oeuvre de politiques intégrées vers un développent durable).
– la transversalité en créant des liens entre différentes structures ou systèmes de pouvoir.
5• Couplage Management de la Valeur et Développement Durable – quels apports concrets ?
C’est dans les phases amont des projets que l’utilité du Management de la Valeur (MV) sera majeure :
– en apportant de l’objectivité et de la créativité dans l’expression des finalités,
– en facilitant l’élaboration et l’analyse d’alternatives innovantes:
– au projet lui-même, eu égard à ses finalités exprimées nécessairement exprimées en référence à plusieurs échelles territoriales : quartier, commune, inter- communes, région,..
– pour le projet, en terme de choix technologiques et organisationnels.
– en imposant des analyses de risques des choix envisagés dans différents champs territoriaux et différents horizons,
– en élargissant les modes d’évaluation économiques, basés non plus seulement sur
des notions d’investissement et de coût mais aussi de gains et efficacité à moyen et long termes,
– en facilitant la concertation entre parties prenantes.
A court terme, on citera ici deux applications concrètes du MV à la problématique d’intégration du DD dans les processus de décisions des collectivités locales :
• Définition d’un argumentaire afin de sensibiliser les élus et les services techniques à l’intérêt d’intégrer une telle approche au sein des processus d’élaboration des projets,
• Guide méthodologique proposant une démarche systémique pour appréhender et corréler :
. les attentes des administrés
. le contexte urbain, économique et social existant (et son diagnostic)
. la stratégie politique intégrant les projets en cours ou prévus
. les objectifs de DD (selon les 21 points des agendas 21 ou autres expressions)
. les capacités financières de la ville, à court et long termes.
Cette démarche globale a pour objectif d’aider à la décision / choix des orientations et à leur justification, en intégrant les notions de risques et d’incertitudes, de scénarios, et la pertinence économique dans toutes ses dimensions.
A moyen terme, des champs d’investigation méthodologique restent ouverts :
Comment faciliter la « transdisciplinarité » des méthodes elles-mêmes », qui restent elles aussi sectorielles : MV, maîtrise des risques, prospective, macro-économie, sociologie, créativité..
Comment maîtriser davantage, tout en l’optimisant, les modes de concertation avec les acteurs pour assurer une participation pertinente et active, tout en ne bloquant pas les projets ?
Article de Mme Catherine Laval, APTE System,
paru dans la Revue française de Gestion Industrielle, reproduction interdite.