Le Six Sigma est souvent associé à l’industrie manufacturière, ce qui est un réflexe tout a fait normal étant donné que cette philosophie fût développé par Motorola 1. Mais saviez-vous que la société qui a obtenu les plus grands bénéfices suite à l’implantation du Six Sigma est GE Capital 2? Vous conviendrez avec moi que cette entreprise de service est loin de fabriquer des systèmes mécaniques complexes !
par M. Robert Gagné – 2005
Le secteur des services génère énormément de processus, et ceux-ci sont autant de pièges à l’inefficacité, ou sur une note plus positive, autant d’opportunité de s’améliorer. Et attention, il ne faut pas perdre de vue que même les entreprises manufacturières gèrent de nombreux processus administratifs!
Le but de cet article est de vous présenter sommairement les grandes lignes du Six Sigma dans le Secteur des Services–SSSS 3. Ces principes sont également applicables pour tous processus de gestion dans l’industrie manufacturière.
Cette méthodologie est basée sur les principes d’implantation généralement reconnue dans divers secteurs d’activité. Un lien est également tissé avec la gestion des connaissances (Knowledge Management 4), car il existe en 2004 une panoplie d’outils informatiques, maintenant abordables, pour faciliter l’amélioration des processus et la capitalisation des connaissances.
Le Six Sigma dans le Secteur des Services
Les étapes ou phases du Six Sigma dans le Secteur des Services s’apparentent à celle du Six Sigma traditionnel 5, du Lean Six Sigma 6 et du Design For Six Sigma 7 (DFSS). Par contre, le but de chacune des phases du SSSS, de même que les outils employés, sont adaptés au secteur des services, tout en conservant l’esprit initial de la démarche Six Sigma.
Les cinq phases du Six Sigma dans le Secteur des Services proposées et adaptées dans cet article sont :
DMADV
Définir – Mesurer – Analyser – Développer – Valider.
Avant l’implantation du SSSS avec le premier projet associé (donc avant la phase Définir), il est nécessaire de reconnaître notre position dans notre environnement d’affaires, parfois précaire, et d’admettre que la philosophie du Six Sigma peut nous venir en aide. Donc on peut inclure la phase Reconnaître en amont. De plus, il est opportun d’ajouter les phases Standardiser et Intégrer en aval 8, pour faire bénéficier les gains à l’ensemble de l’entreprise.
Les résultats atteints par le Six Sigma dans le Secteur des Services sont fort semblables à ceux de toutes démarches Six Sigma. En fait, il faut viser la satisfaction de notre client et amélioration de notre relation avec lui. Tout débute et se termine avec le client, et c’est grâce à lui si on est en affaires, il ne faut jamais l’oublier! D’ailleurs, diverses études démontrent qu’une compagnie accroît ses profits de 100% seulement en retenant 5% de plus de clients 9 et que le coût pour conserver un client existant est le quart de celui nécessaire pour en acquérir un nouveau 10. Enfin, il est également essentiel de réduire nos coûts et nos temps de réponses internes, d’augmenter nos parts de marché, de réduire nos plaintes et non-conformité 11.
Le Six Sigma dans le Secteur des Services a fait ses preuves parce qu’il est centré sur les résultats. Nous pouvons par exemple faire une analyse de la valeur sur notre service en relation avec les fonctions que le client désire, et pourquoi pas comparer notre service actuel avec un ensemble de scénarii d’amélioration?
Le Six Sigma dans le Secteur des Services ne va pas sans une motivation et un engagement total de la haute-direction, ce qui n’est pas propre qu’au Six Sigma! Le Six Sigma dans le Secteur des Services est efficace parce qu’il utilise une approche disciplinée (DMADV) centrée sur le client, avec une infrastructure d’intervention bien défini 12 (différentes catégories d’agent d’amélioration en lien étroit avec le management).
Le Six Sigma dans le Secteur des Services met également l’emphase sur la formation et le déploiement d’outils centrés sur la voix du client, tel que par exemple l’analyse fonctionnelle, l’analyse de la valeur ou divers types d’analyses de risques.
[Voir nos logiciels d’analyse de la valeur]
Les phases du Six Sigma dans les Services
Comme déjà mentionné, le SSSS comprend cinq (5) phases principales. Il est important de mentionner que même si ces phases sont présentées une à la suite de l’autre, elles sont inter-reliées. De plus, certains outils (de nombreux autres peuvent être utilisés) et méthodes proposés dans chacune de ces phases peuvent être utiliser dans certaines autres phases. Enfin, même si ce n’est pas toujours mentionné spécifiquement, une analyse financière est initiée à la phase Définir et se poursuit tout au long du processus, afin de suivre l’évolution du projet selon sa performance financière.
DÉFINIR
La phase DÉFINIR sert principalement, comme son nom l’indique, à définir les besoins/attentes du client de même qu’à élaborer le mandat du projet. Il faut d’abord se questionner sur les fonctions que le client recherche avec le service. Cette démarche créative et organisée se nomme l’analyse fonctionnelle. Les fonctions obtenues peuvent devenir le point d’entrer du déploiement de la fonction qualité 13. Une fois que le recensement des fonctions est effectué, il faudra les regrouper et les ordonnées. Nous obtiendrons ainsi l’arbre fonctionnel, comportant habituellement plusieurs niveaux – voir la figure 1. Une analyse SWOT 14 pourra être effectuée par la suite, qui comprend un diagnostic de l’environnement interne (forces et points à améliorer) et externe (opportunités et menaces) de l’entreprise (SWOT : Strengths, Weaknesses, Opportunities, Threats).
[Aller plus loin que SWOT: risques et opportunités]
Figure 1 : Exemple d’un arbre fonctionnel réalisé avec Need
MESURER
La phase MESURER servira à rechercher le degré de satisfaction des besoins du client en fonction de notre service. Un diagnostic réel et honnête de nos processus se doit d’être réaliser (process mapping). À chacune des étapes du processus, il est nécessaire d’identifier les intrants et extrants, et il serait très avantageux d’identifier les ressources engagées de même que les mécanismes de contrôles existants. À cette étape, l’analyse fonctionnelle sera bonifiée en caractérisant chacune des fonctions (sa criticité, ses niveaux possibles et sa flexibilité selon le client – voir la figure 2). Une analyse de risque de type AMDEC 15 pourra être initiée et continuée lors des phases subséquentes (AMDEC : Analyse des Modes de Défaillance reliée au service et ses Effets Critiques).
[Logiciel d’ Analyse des modes de défaillances]
Figure 2 : Exemple de caractérisation à l’intérieur d’une analyse fonctionnelle
ANALYSER
La phase ANALYSER permettra de tirer des conclusions grâce à l’ensemble des données recueillis dans les phases précédentes, tout en servant de base au développement de solutions dans la phase suivante. Cette phase permet de conclure l’analyse fonctionnelle grâce à la hiérarchisation des fonctions (comparaison entre chacune d’elles – voir la figure 3). L’expression fonctionnelle du service est habituellement réalisée par le cahier des charges fonctionnelles. Il est important de mentionner que le langage fonctionnel n’est pas synonyme de « solution », mais défini de manière exhaustive le service à rendre. Les solutions découleront naturellement du cahier des charges fonctionnelles.
Figure 3 : Exemple de la hiérarchisation des fonctions
DÉVELOPPER ET VALIDER
La phase DÉVELOPPER permettra de générer différents scénarii pour combler le service ciblé. Le profil fonctionnel est utilisé comme guide à la recherche de solution. Une analyse de la valeur est effectuée pour imputer un coût à chacune des fonctions (niveaux supérieurs). La démarche globale d’analyse de la valeur permet d’augmenter la valeur du service existant ou en cours de développement. L’optimisation de la valeur est obtenue en ajustant le degré de satisfaction des besoins par rapport aux ressources utilisées pour y parvenir.
Chacune des solutions sera analysée pour déterminer le pourcentage de fonctions rencontrées. Une analyse comparative de coût par fonction permettra de valoriser les scénarii et aidera à faire le bon choix – voir la figure 4. La solution choisie sera implanter et VALIDER (dernière phase du SSSS, avec ses outils associés) pour optimiser les processus d’affaires et assurer les gains à long terme.
Figure 4 : Analyse de la valeur d’un scénario d’amélioration
Exemples d’implantation du Six Sigma dans le Secteur des Services
Bien que la majorité des interventions Six Sigma se déroule dans un environnement manufacturier, nous avons eu la chance de participer, au niveau international, à plusieurs implantations de phases du Six Sigma dans le Secteur des Services. Voici quelques projets que nous avons effectués dans les secteurs des services :
– Système d’information d’administration de ventes
– Gestion des immobilisations
– Gestion de parcs immobiliers
– Choix de systèmes de gestion informatiques
– Gestion de processus à l’intérieur d’hôpitaux
– Système d’appel d’offre pour des fournisseurs de services (ex. : pour des métros)
– Gestion des incidents (hot-line)
– Gestion des réservations des lignes téléphoniques pour événements spéciaux (ex. : Coupe du Monde)
– Analyse de la valeur sur le rôle d’un laboratoire de recherche
– Gestion de la diffusion pour différentes chaînes de télévision
– Système d’information de reconnaissance et de surveillance
– Etc.
Suite à ces exemples concrets d’intervention, il est facile de conclure que le Six Sigma dans le Secteur des Services s’applique à tout type de processus. Mais ce qu’il faut retenir de toutes ces prestations, c’est que le nombre de fonction dans le domaine des services ou des processus administratifs est beaucoup plus important que dans le domaine manufacturier (dépassent habituellement 100 fonctions – voir figure 5).
Figure 5 : Exemple de fonctions dans le secteur des services
L’utilisation d’outils informatiques pour les diverses analyses devient pratiquement indispensable. Ce ne sont pas toutes les entités impliquées dans les projets mentionnés ci-haut qui se sont procurées des outils informatiques pour gérer les phases du Six Sigma dans le Secteur des Services. Par contre, des outils logiciels intégrés ont été utilisés par nos conseillers pour supporter l’implantation du SSSS dans les entreprises de services ou dans les processus administratifs d’industrie manufacturière. En plus d’éviter de ré-inventer la roue, les outils informatiques intégrés facilitent la gestion des actions (le fameux suivi en management) et améliore la rigueur de la démarche.
Il est primordial de capitaliser l’information à travers tout le processus du SSSS, car ces connaissances se doivent d’être disponibles pour d’autres actions d’implantation, d’amélioration ou de développement de services. Il faut également que l’information puisse migrer entre les différentes des phases du Six Sigma dans le Secteur des Services. Des ponts pour le transfert de l’information doivent exister à travers les différents outils informatiques utilisés (par exemple entre l’analyse fonctionnelle et l’analyse de la valeur et même l’analyse de risque). C’est ce qu’on appèle de la cohérence!
Enfin, parmi ces interventions, certaines visaient à satisfaire des clients internes. En effet, plusieurs fonctions dans l’entreprise procurent des services aux autres départements, par exemple l’informatique, les ventes et le marketing, les finances, les ressources humaines autant que matériels (logistique : partage de ressources comme un réseau de communication téléphonique, une flotte de véhicule des infrastructures, des activités de maintenance, etc.). Ainsi, une entité peut même impartir ses propres services à l’interne (notion de services partagés).
Le management des processus 16, un des principes de management de la qualité pour ISO 9001:2000, démontre bien l’importance des interactions entre les au sein même de l’entreprise.
L’évolution du Six Sigma
Le Six Sigma est en constante évolution, et c’est ce qui explique qu’il est toujours utilisé en 2004. Cela fait maintenant 12 ans que je travaille avec cette méthodologie, et croyez-moi, l’approche est très différente entre ce que j’utilisais au début des années ’90 et ce que je vis sur le terrain aujourd’hui.
Le Six Sigma a débuté avec l’amélioration des procédés de fabrication existant. Par la suite, il a su s’adapter en intégrant les fonctions de la recherche et le développement, les processus administratifs et le secteur des services. Et la raison est simple. Il y a une infinité d’opportunité de mieux faire nos prestations de service !
Robert Gagné
Bibliographie
1.+ Harry, M.J. et Lawson, J.R. Six Sigma : Producibility Analysis and Process Characterization, Motorola University Press, 1992
2. Lowe, J. Jack Welch Speaks: Wisdom from the World’s Greatest Business Leader, John Wiley and Sons Inc., 1998
3. George, M.L. Lean Six Sigma for Services, McGraw-Hill, 2003
4. Kotnour, T. Knowledge Management, CRC Press, 1999
5. Breyfogle III, F.W. Implementing Six Sigma, John Wiley and Sons Inc., 1999
6. George, M.L. Lean Six Sigma, McGraw-Hill, 2002
7. Chowdhury, S. Design For Six Sigma, Dearborn Trade Publishing, 2002
8. Harry, M.J. et Schroeder, R. Six Sigma: The Breakthrougn Management Strategy, Doubleday, 2000
9. Simmerman, S.J. Achieving Service Quality Improvements, Quality Progress, Novembre 1993
10. Industrial Engineering, Emphazing Customer Retention over Customer Acquisition, Février 1995
11. Pandle, P.S., Newman, P.R. et Cavenaugh, R.R. The Six Sigma Way , McGraw-Hill, 2000
12. Snee, R.P. Why Should Statisticians Pay Attention to Six Sigma?, Quality Progress, Septembre 1999
13. Hunter, M.R. et Van Landingham, R.D. Listening to the Customer Using QFD, Quality Progress, Avril 1994
14. Porter, M. Competitive Strategy, Free Press, 1980
15. Wortman, B. The Certified Six Sigma Black Belt Primer, Quality Council of Indiana , 2001
16. ISO 9004, Systèmes de Management de la Qualité – Lignes directrices pour l’amélioration des performances, CSA International, 2000